« Le processus n’est rien; efface tes traces. Le chemin n’est pas l’oeuvre. » – Annie Dillard
Cette citation provient d’un livre de la romancière Annie Dillard sur l’écriture de fiction. Ce qu’elle explique, c’est que lorsque l’on crée quelque chose dans un processus créatif – un roman, dans son cas – ce n’est pas tant le processus qui devient l’oeuvre, mais bien son résultat.
Mais, le processus n’est-il rien, réellement? Quelle est la valeur du processus créatif, en tant que tel?
Je me pose la question, car, au départ, ce blogue a été pour moi un processus indéterminé. Les rigueurs impossibles est plus un journal ultra soigné que j’utilise pour réfléchir et avancer dans mon processus personnel, qu’une oeuvre, tel un livre sur l’expérience du TDAH.
Plus d’un an après avoir commencé à y écrire en continu et à y publier presque chaque semaine, je réalise que j’ai en quelque sorte fait le processus inverse, car je ne pouvais faire autrement. Je m’expose d’abord et au fil des partages, le processus révèle un corpus tramé par mes écrits. Mais est-il l’oeuvre qui résulte(ra) de ce processus? Non.
À mes yeux, mon processus et ses traces – mon blogue – révèlent, plutôt qu’effacent, le processus qui les a créées. Je crois que peut-être, enfin, ce blogue est surtout le moteur d’un processus qui m’a mené ailleurs. C’est bien ce que je crois encore, car comme je le disais au début : c’est le processus qui importe.
« Je » a changé
Ce billet que vous lisez présentement, cela fait un an que je le réécris sans ne jamais le publier. Aujourd’hui est le moment. Aujourd’hui, mes questionnements sont plus vifs, et vivifiants, que jamais. Sauf que mon blogue ne l’est plus. J’ai enfilé le masque du TDAH que je porte et je l’ai montré au grand jour. J’en ai observé les reflets dans la marre des autres. J’ai voulu exister comme ça.
De par ce processus, j’ai découvert mes potentiels. Et je viens tout juste de réaliser que c’est mon rapport au « je » qui a changé.
Dire « Je suis » est encore extrêmement difficile alors que dire « je », particulièrement « je pense que » est de plus en plus facile. Je sors lentement du « je » en me mettant en action dans ce que je dois devenir. Donc, je ne peux plus écrire au « je ». Je ne peux plus me présenter devant vous ainsi.
J’ai maintenant besoin du couvert du reportage, du portrait, de la littérature et des idées pour me révéler réellement dans toute l’étendue de ma vulnérabilité. C’est ce que je suis, un humain vulnérable qui écrit.
Je ne suis plus « je ». Et je ne suis plus conditionnel. Je suis maintenant ce que je suis ; alors je fais ce que doit.
L’écriture est ma vocation, mais elle n’est pas « je ».
Merci d’avoir été là.
Alexandre
L’ombre : … Peut-être t’ai-je aujourd’hui suivi trop longtemps. C’était le jour le plus long, mais nous voici au bout, aie un petit moment de patience encore. Ce gazon est humide, j’ai le frisson.
Le voyageur : Oh ! est-il déjà temps de nous séparer ? Et il a fallu pour finir que je te fasse mal, j’ai vu que tu en devenais plus sombre.
L’ombre : J’ai rougi, dans la couleur où il m’est possible. Il m’est revenu que j’ai souvent couché à tes pieds comme un chien et qu’alors tu…
Le voyageur : Et ne pourrais-je pas en toute hâte faire quelque chose qui te fit plaisir ? N’as-tu point de souhait à former ?
L’ombre : Pas d’autre que le souhait que formait le « chien » philosophe devant le grand Alexandre : Ôte-toi un peu de mon soleil, je commence à avoir trop froid.
Le voyageur : Que dois-je faire ?
L’ombre : Marche sous ces pins et regarde autour de toi vers les montagnes, le soleil se couche.
Le voyageur : Où es-tu ? Où es-tu ?
Nietzsche, Humain, trop humain
Ce billet fait suite à Accepter le processus en deux temps : son importance publié le 29 avril 2015.