Organisation, Quotidien, TDAH

Désencombrer

Je marchais vers ma chambre d’un pas assuré – un peu trop même. Mon déplacement était trop rapide pour simplement passer d’une pièce à l’autre. Je savais ce que j’allais faire et, à vrai dire – pour une fois – je n’avais qu’une seule idée en tête : aller masser le dos de ma femme qui en avait grandement besoin. Je marchais donc rapidement de la cuisine à ma chambre. Douze pas à faire tout au plus. La voie était libre : pas d’obstacles, ni de bébelles dans lesquelles m’enfarger.

Ce nouvel espace plus aéré, sans obstacle, est né de mes efforts monumentaux à arranger et, plus intensément, à désencombrer mon espace de vie pour laisser plus de place à mes idées. J’en ai glissé un mot il y a un mois en discutant du fait que ma désorganisation pouvait nuire à ma créativité. Cela fait donc un bon 6 semaines que je m’affaire à replacer mes choses en déplaçant mes meubles, à trouver une place à ce qui n’en avait pas et à me débarrasser de ce qui ne me sert pas, ni maintenant, ni bientôt, ni jamais. Bref, ça respire de plus en plus chez moi. Maintenant, chaque chose qui traîne apparaît comme par magie (elle n’a plus de semblables pour se camoufler) et retrouve sa place facilement. Fini les Legos sous le pied!

Arrivé au cadre de ma porte de chambre, j’étais encore plus pressé ; voyant ma femme souffrir péniblement dans notre nouveau lit, le dos barré, la face pas bien.

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Mais j’y pense, on n’avait jamais pensé s’acheter une base de lit ; on a peut-être trop attendu… Parce que, notre grave problème de rangement dans la chambre, on l’a réglé d’un coup avec un beau frame de lit neuf avec des tiroirs en dessous.

Le lit c’est une chose parmi tant d’autres – on a fait beaucoup dans la maison -, mais il en reste tant à faire! Il faut se l’avouer, mon ménage est radical : c’est tout ou rien. Ça fait donc 6 semaines que je trie des papiers, que je vends des meubles (sans les remplacer), que j’achète ce qui a toujours manqué, que je vide et remplit les gardes robes, que je re-synchronise mon Dropbox – parce que je fais aussi le ménage de mon ordinateur! Vous pourriez croire que je suis près du but, mais, passé la surface – mon salon est bien cute, ma salle à manger est bien vide, mon nouveau set de chambre est bien pratique –, il m’en reste tant à faire.

J’avais dépassé le cadre de porte ; à vrai dire, je n’étais qu’à deux pas : « Je viens te masser mon amour! » Je n’aimais pas la voir avoir mal comme ça, surtout en sachant que je pouvais faire quelque chose.

Ma nouvelle chambre est belle, mais malgré mes efforts, elle n’est pas parfaite! J’ai désencombré, mais il y a des limites, il y a des contraintes. Je comprends maintenant que ce qui est difficile dans le désencombrement c’est de décider. Parce qu’ultimement, ranger, aménager et consigner (donner une place), c’est prendre des décisions, constamment : décider de mettre en place un système et de le respecter à chaque instant ; décider quel meuble ira où ; décider ce qu’on garde, ce qu’on donne, ce qu’on jette. C’est difficile toutes ces décisions!

La décision fondamentale, au fond, c’est d’accepter notre part de responsabilité quant à l’état des choses – et aussi quant à l’état de nos choses. Maintenant, je comprends et j’accepte d’assumer que mes habitudes quotidiennes peuvent encombrer autant que libérer mon esprit et mon espace. Et j’ai besoin de ces bonnes habitudes pour bien vivre. Je dois faire avec!

Je suis donc à faire du rattrapage. Je me débarrasse de ce que j’ai gardé inutilement toutes ces années. J’assigne une place à ce qui n’en a pas ou n’en a jamais eu. J’invente quotidiennement des méthodes (de rangement, mais aussi de travail) pour ne pas créer plus d’encombrements. Décisions, décisions, décisions. C’est un travail de tous les instants. C’est surtout un travail qui se démultiplie quand on le laisse trainer, quand on le traite comme quelque chose que l’on fait « juste » quand rien ne va plus… comme j’ai fait toutes ces années.

Au bout du lit, j’avais déjà le dos campé comme si j’allais y plonger, mais – non! – pas question que je saute sur mon nouveau lit! Je n’avais pas une seule idée en tête finalement. Je pensais à masser ma femme – oui! -, mais aussi à ce ménage et à cette organisation, bref, à toutes ces décisions qui m’occupaient et me préoccupaient.

Désencombrer, c’est un travail toujours incomplet… et c’est bien ainsi. Mais si je ne mets pas d’ordre en m’appropriant mes choses et mon espace, ma tête devient bien trop pleine et mes habitudes bien trop néfastes à mon bien-être. L’important est de réaliser que bien que mon espace ait moins d’obstacles et d’encombrement, mon organisation a encore – et constamment ? – besoin d’ajustements, tout comme ma tête qui est toujours pleine.

J’arrivais enfin à ma femme – après avoir traversé un peu d’espace et le flot des mes pensées. Dans mon dernier mouvement avant de poser le genou sur le lit, la fin, abrupte : genou fracassé sur le coin de la crisse de base de lit. Écroulé sur le matelas, à côté de ma femme, paralysé par une douleur aussi intense que ridicule, mes idées se sont arrêtées net… Son massage de dos allait attendre quelques minutes, le temps que je reprenne mes esprits.

Mon ménage n’est toujours pas terminé. Il m’en reste tant à faire.

 

 

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